Mist - Egarée dans les brumes

Dans un petit village cimmérien, au pied des monts Eglophiens.

Les flammes dansaient dans l'âtre de la cheminée de pierre. Un silence obscurci par la nuit tombé s'était emparé de la salle. Le chef du clan se tenait face au feu, son dos massif recouvert d'un large manteau de fourrure. Il songeait, calme et serein, à la bataille qui aurait lieux dès les première lueurs de l'aube. Leurs ennemis étaient nombreux et maitrisaient la sombre magie venue d'Hyperborée. ce serait un combat difficile, mais il devait agir, pour assurer la survie du clan... Quitte à y laisser la vie. Il tendit le bras et prit l'épée longue de son père, qui fut chef avant lui et mourut avant lui. Il la posa devant lui, pointe au sol, les deux mains fermement posées sur la garde. Nombreux ont été les vanirs, pictes ou hyperboréens qui ont eus le malheur de croiser cette lame, dont les couleurs grises rappelées le ciel d'hiver. Mais peut-être demain, cette épée quitterait ses mains inertes pour rejoindre celles d'un des démons à la peau blanchâtre. Il ne pouvait s'empêcher de penser à cette éventualité... Celle de mourir, ou plutôt, que le clan soit massacré sans qu'il n'ait pu intervenir.

« Père ? »

Il sortit de ses pensées en reconnaissant la petite voix familière et tourna la tête à sa droite. Derrière l'une des colonnes de bois massif, une petite fille de dix printemps à peine apparue. Elle se rapprocha de son père d'un pas incertain, affichant un visage marqué par l'inquiétude. Lui, Brevand, tacha de sourire du mieux qu'il le put.

« Que fais-tu là à une heure pareil ? plaisanta-t-il

- J'ai écouté votre réunion... Tu vas vraiment y aller ?

- Il le faut. En tant que chef, je ne peux pas me résoudre à me terrer entre ces murs. Je dois combattre avec mes guerriers.

- C'est trop risqué ! »

De ses yeux bleus, la petite fille observa son père fixement, refoulant ses larmes. Malgré son jeune âge, elle avait compris le plan de bataille dont il avait fait part quelques minutes plutôt à ses plus valeureux guerriers, à ses frères d'armes. Le visage de Brevand s'adoucit. Il reposa d'un geste rapide l'épée à sa place initiale et s'agenouilla devant elle, posant avec douceur ses deux larges paumes sur ses frêles épaules.

« Je le sais, lui murmura-t-il d'un ton rassurant, Mais si je fais cela c'est pour te protéger. Je refuse que nos murs tombent sous leurs assauts et que tu sois à leur merci. Je refuse que tu ne vive que dans l'odeur du sang et le fracassement de l'acier... Et c'est pourquoi tu vas devoir partir.

- C... Comment ça ?

- Je ne connais pas l'issue du combat, je préférerais te savoir en lieux sur.

- Mais...

- Hyrian et deux des nôtres vont partir avec toi et t'escorter. Vous devrez traverser toute l'Hyboria et vous rendre vers le sud, dans les confins des déserts de Stygia. Un homme lié à nous par le sang réside en ces lieux, il prendra soin de toi.

Quelques larmes coulèrent le long des joues de la petite fille. Elle savait qu'elle ne pourrait le faire changer d'avis. Elle se résignât à pleurer dans les bras de son père. Il lui promit de revenir la chercher une fois cette guerre terminée. Elle continua à pleurer un long moment. Les dernières paroles qu'elle entendit de lui avant que son escorte ne vienne la chercher et salue leur chef furent simple, mais furent gravés à jamais dans sa mémoire.

« Ne pense pas à la vengeance, Mist, soit forte. »

La neige craqua à quelques mètres. Surprise, elle releva son visage d’enfant et aperçu un majestueux élan. Après quelques secondes d’émerveillement, la voix d’Hyrian la rappela à l’ordre. Elle s’empressa de les rejoindre et fut accueilli par une légère tape au sommet du crâne.

« Aie !

- Fallait pas t’éloigner, Mist. »

L’homme rit légèrement sous son ample capuchon. C’était un ami fidèle de son père et un chasseur formidable. Il s’était souvent occupé d’elle depuis sa naissance, lui apprenant ses connaissances de la nature, lui contant ses nombreux voyages au plus profond des terres glacées de Cimmérie… Brevand lui avait toujours accordé une entière confiance. Il avait souvent mis sa vie entre ses mains et n’avait jamais été trahis. C’était un homme d’honneur.

« En route, nous avons bientôt franchit une étape importante, clama-t-il au petit groupe avec allégresse.»

Ils marchèrent encore deux jours et traversèrent enfin les frontières séparant Cimmérie et Aquillonie. Leur soulagement se fit ressentir quand ils aperçurent à l’horizon les hautes tours blanches de Tarantia la vieille. Mais, malgré cela, tous s’inquiétés pour leur village natal. Hyrian conseilla de monter un campement pour la nuit et en moins d’une heure un petit feu brulé, prêt à accueillir les viandes que le chasseur rapporterait. Mist s’était assise non loin du feu et regardait les flammes danser et s’élever parfois dans les airs, comme pour rejoindre le crépuscule orangé qui naissait. Ses deux autres compagnons de voyage s’afféraient autour d’elle, ne sachant trop que faire. Elle savait qu’ils auraient voulus combattre -et mourir- pour leur village et se sentit coupable de les entrainer dans ce périple ci. Mais, alors qu’elle rajoutait quelques brindilles dans les flammes, elle entendit un sifflement aigu suivit d’un cri étouffé. Pivotant sur ses genoux, elle vit l’un des cimmériens se débattre au sol, une flèche en travers de la gorge. Des cris de guerre retentirent cette fois. Des hommes encerclèrent le camp. L’autre guerrier eut le temps d’attraper sa hache avant qu’une épée ne s’abatte violement contre son flanc. Il essaya de frapper son assaillant mais une lance se planta avec rage dans son torse. Les cris cessèrent. Le sang coulait à flots. Mist restait immobile, pétrifiée de terreur, les prunelle écarquillées devant toute cette haine, toute cette fureur sauvage. Les hommes d’armes se retournèrent finalement vers elle, leurs visages se fendants en sourires victorieux et atroces. C’était insoutenable. Sans qu’elle ne puisse réagir, bouger le moindre de ses membres, une larme coula lentement le long de sa joue. Malgré son jeune âge, elle savait ce que la mort signifiait : ses amis ne se relèveraient pas. Mais jamais elle ne l’avait vu, jamais elle n’aurait pu imaginer dans ses pires cauchemars que l’on puisse tuer sans raison. Ils étaient autour d’elle à présent, et parlaient dans une langue qui lui été inconnu.

« Mist ! »

Ce hurlement… C’était Hyrian, elle en était persuadée, mais tout espoir été perdu, brisé. Il dû en abattre deux à l’arc, planter une dague dans la nuque d’un troisième et en blessé en dernier à l’épée avant qu’ils ne prennent le dessus. Genoux à terre, bras tendu en croix par deux des soldats, il regardait la petite fille. Il lui criait quelque chose. Mais elle ne pouvait plus l’entendre. Puis il mourut lui aussi, éventré par l’homme qu’il n’avait que blessé. Le chasseur s’était débattit quelques instants dans une mare de son propre sang avant de succombé finalement. Tout semblât s’écrouler autour dans son esprit d’enfant. Elle avait envie d’hurler, revoyant les images atroces de ses amis, inertes sur le sol. Elle aurait aimé fuir. Elle aurait tant voulu que son père soit là et venge la mort de ses amis… Qu’il la sauve de l’abominable destin qui l’attendait. Puis elle plongea dans l’obscurité et le froid, dans le néant d’un esprit tourmenté.

Ils lui avaient laissé la vie sauve. Mais plus les jours, les semaines et le mois passèrent, plus la mort lui serait apparut comme un doux réconfort. Elle devint leur esclave, portant en collier en fer blanc autour du coup, duquel pendant une large chaine d’acier. Elle devait les suivre sans broncher, assistant à tout leurs sanglants massacres et pillages, plus cruels les uns que les autres. Mais, elle ne s’en rendait plus compte. Depuis la mort d’Hyrian et de ses amis cimmériens, elle avait gardé une expression vide sur son visage, ses yeux noyés entre souvenirs et nouvelles images de mort et de sang, comme si son âme s’était définitivement retranchée au plus profond d’elle-même. Cinq ans passèrent avant que les némédiens ne lui découvrent une nouvelle utilité. Dès lors que son corps s’eut rapproché de celui d’une femme et non d’une enfant, elle dût subir les affronts de ses bêtes sanguinaires. Elle ne bronchait jamais, bien que des larmes lui échappée à chaque fois que l’un d’eux assouvissait ses envies primaires. Elle n’était plus rien.
Ils avaient fait levé le camp quelques jours plutôt et partaient vers le nord, après avoir battu en retraite face à un régiment Aquilonien. Sous ses pieds nus, la neige s’enfonçait bruyamment. On dût fréquemment la rappeler à l’ordre car elle restait comme admirative devant cette la pureté de ce blanc immaculé.

« Allez avance ! siffla le soldat derrière elle. »

Elle leva les yeux et le fixa d’un air hébété qui lui couta un violent coup de pied dans l’estomac. Elle tomba à genoux, serrant ses bras autour de sa taille. Ils la battaient souvent et lui avaient déjà brisé plusieurs cotes la nuit dernière. Il l’attrapa fermement par ses chevaux, trop long maintenant, et la força à avancer. Le convois reprit sa route, quelques peu surpris de l’attitude inhabituelle de leur jeune esclave. Quand la nuit tomba, ils avaient monté un camp de fortune et festoyaient déjà devant les flammes d’un grand foyer. Les rires, l’odeur de viande et d’alcool… Rien ne la faisait réagir. Ils l’avaient attachée à l’écart du camp, à la lisière des bois. Elle n’avait pas froid dans cette nuit noire, dans ses monts enneigés malgré qu’elle ne fût vêtue que d’une simple tunique en soie salie et déchirée. Elle n’éprouvait plus rien depuis longtemps maintenant. Pourtant, quelque chose avait changé depuis qu’ils marchaient en terres cimmériennes.
Quand tout les soldats s’endormirent, ivre mort, elle ramena ses genoux contre sa poitrine et les enroula de ses bras maigre. Tout était calme et silencieux. Seules les rumeurs de la natures étaient perceptibles dans cette sombre nuit. Mist roula sur le coté, fermant les yeux et essayant d’ignorer la faim et les douleurs igues qui la tenaillés. Elle finit par trouver ce qu’on pourrait appeler le sommeil, bien que submergé par des cries d’agonie et le bruit sourd d’arme qui s’entrechoques.

Elle ouvrit les yeux dans un sursaut. Il faisait jour depuis déjà trop longtemps pour que l’un des soldats ne l’ait réveillé. Elle se redressa sur ses jambes maigres et endolories par le froid mais se figea soudain. La neige autour du camp était maculée de large trainée de sang. Les visages des soldats étaient figés dans une expression de douleur et d’horreur. Elle ne réagit pas. En silence, elle s’assit, adossée à l’un des immenses arbres qui l’entourés, observant ce tableau de carnage de ses yeux vides.

Deux jour passèrent, mais l’odeur de mort subsistait dans le camp. Elle s’en approchait pas, restant à l’écart, silencieuse, se balançant légèrement au pied de l’arbre auquel sa chaine été liée. Elle avait tentée de se libérer à plusieurs reprises mais n’avait gagné que de nouvelles plaies et engelures. Inconsciemment, elle savait qu’elle mourrait ici avec ceux qui avaient causés ses souffrances. La nuit finit par tomber après d’interminables heures où elle n’avait pas bougé un seul membres. Le froid et la faim l’empêchèrent de dormir et l’aube sembla ne jamais vouloir apparaître. Elle vint néanmoins, insufflant un peu de vie à la nature enneigée, alors que Mist semblait lentement happée par la mort. Elle aurait préférer en finir plus rapidement, bien qu’elle prit plaisir au calme qui l’entouré. Plus de maisons brulées, d’homme massacrés, de femmes égorgées, de jeunes filles violées… Enfin, elle put retrouver un peu de l’humanité qu’elle avait si longtemps perdue, un peu de l’âme qu’on lui avait ôtée des années plus tôt. Bercée par la mort qui l’attendait, elle ne réagit pas quand une ombre s’étendit sur elle, tel un linceul de ténèbres, et qu’une paires de bottes en plates se placèrent devant elle. Elle ferma les yeux quand elle entendit une épée glisser de son fourreau et fendre l’air avec force.

Pourquoi bas-tu encore ?

Les battements de son cœur résonnaient en elle comme une douce et régulière mélodie.

Suis-je encore en vie ?

Ses paupière s’ouvrirent lentement, son regard se déplaçant au dessus d’elle avec crainte. La chaine était brisée.

« Tu es libre désormais. »

Une femme vêtue d’une armure d’argent et d’or l’observée avec un soupçon d’inquiétude. Elle l’avait sauvé d’une mort qu’elle avait espéré depuis si longtemps…

« Par les Dieux, que t’est-il arrivé ma pauvre enfant ? »

Elle parlait d’une voie douce. Mist s’était figée, partagé entre peur et incompréhension.

« Je peux t’aider. Accompagne moi, nous nous occuperons de toi »

Mist plaça sa main gelée dans la paume gantée qui lui été tendue.





Son épée fendit l’air avec grâce, frappant un ennemi invisible. Le sifflement de l’argent terne de sa lame résonné dans la salle d’entrainement à chaque nouveau coup. Mist avait acquis une grâce naturelle et maniait dorénavant l’épée et le bouclier avec dextérité et force. Ce fut Nehelim, cette femme mystérieuse qui l’avait arraché aux griffes de la mort, qui lui apprit à combattre ainsi. Mist fit tournoyer une ultime fois sa lame avant de la faire glisser dans son fourreau. Elle rejoignit sa chambre. Depuis un peu plus de trois ans, elle vivait dans cette forteresse appartenant à « L’ordre de Brumes », confrérie de chevalier au service de la justice. Mist était l’une des leurs et combattait aussi bien que celle qui fut son maitre d’arme.

« Mist ? »

Elle sursauta, sortant brusquement de ses pensées.

« Oui, madame ? »

Nehelim se tenait dans l’encadrement de la porte, regardant la jeune cimmérienne préparer ses affaires.

« Tu as besoin d’aide ?

- Merci, amis j’ai presque terminé. »

Elle referma son large sac de voyage avant de se retourner.

« M’en voulez-vous ? »

Nehelim sourit avec douceur et tendresse.

« Non, Mist, je ne t’en veux pas. Il est normal qu’à présent tu partes à la recherche des tiens. »

Mist parut gênée. Un banquet en son honneur avait été fais la veille. Elle y avait fais ses adieux, remerciant ceux qui l’avaient acceptée en ces lieux. Elle attrapa son sac.

« Merci madame. Prenez soin de vous. »

Elle s’arrêta à sa hauteur, le cœur serré.

« Au revoir »

Elle disparut de la chambre. La mélancolie marqua le sourire qui se dessina lentement sur le visage de Nehelim.

« Non Mist… Adieu »

Deux ans plus tard. Kemi, Stygia.

« Tu es devenu un monstre, une stupide créature dépourvut d’âme ! Il y avait d’autres moyens !
- J’ai pris la seule solution qui m’a été présentée.
- Ne t’approche plus jamais de moi, Mist. Je ne veux plus jamais te revoir.
- Auriez-vous préféré que je meure cette nuit là, dame Elyne ?
- … Oui.
- Alors, c’est ici que nos chemins se séparent.
- Hors de ma vue ! Engeance de l’ombre !
- Elyne… Je vous pris…
- Vas ! Part boire le sang des innocent et te cacher du soleil, puisque que c’est tout ce que tu es capable de faire aujourd’hui. Disparait ! »


Quelques jours plus tard, un parchemin fut retrouvé à l'auberge de la Carpe Pourpre, sur lequel était écrit quelques mots dans une écriture fine et délicate. Ceux-ci étaient :