Dans la moiteur de la nuit stygienne s'élevaient soupirs et râles. Un rideau flottait aux caprices d'une brise inconstante. Dans la hutte aux murs de boue séchée et de paille, l'homme s'activait sur sa compagne. Ce couple peuplait la nuit de bruits étranges, besognant tels des primitifs ; la femme poussait parfois au hasard d'une poignée de cheveux tirés avec violence, un cri vite étouffé. Le lit de roseaux jonchant le sol craquait de cette impétueuse activité. Cela ne suffisait pourtant pas à troubler le sommeil des deux adolescents qui reposaient auprès du couple.
Après un long moment, un râle, un bref spasme de l'homme permit au silence de se réinstaller, seulement troublé par les moustiques arrivant par vagues de la mare proche (attirés par la chaleur des corps sans doute)...
Peu de temps après que la femme eut fini ses ablutions et se soit endormie bercée par ses sanglots, les deux adolescents qu'on croyait endormis sortaient de la hutte en catimini.
Le plus âgé des garçons grognat et regardant l'autre :
- "Ooltan, je pense que ta mère sera bientôt occupée avec un nouveau marmot !... Père pourra le vendre comme les autres. Sa façon de faire me dégoûte.
- Je n'y tiens plus. Subir ce spectacle chaque nuit... Travailler aux champs... Nous sommes ses esclaves et ma mère lui sert de pute. Dandryl, père n'a aucun respect pour nous qui sommes de son sang !"
Dandryl reprit : - "Je vais faire ainsi que je te l'ai dit. Par le vent du désert et la tempête qui l'accompagne, par Set qui habite la tempête, je vais aller mendier une place au temple. Père ne pourra rien contre ça. Pour toi Ooltan, le vieux du village m'a parlé d'un cercle de pierre...
- Cela fera-t-il de moi un homme, pourrais-je braver père et libérer ma mère ?
- Le cercle te permettra de rencontrer le Dieu sans Nom, antérieur à Set même. Il fera de toi un guerrier, un monstre de flammes. D'ici deux ans, nous reviendrons et brûlerons la hutte, vendrons les champs et partagerons l'or.
- Qu'il en soit ainsi, par Set et par cet Autre !"
Les deux demi-frêres se donnèrent l'accolade puis partirent chacun de leur côté.